En 2016 business as usual ?
Publié le 31-01-2016
Une bonne année ?!
Resilience
Je nous souhaite à tous une très bonne année 2016.La fin d’année 2015 doit nous faire réfléchir sur le monde que nous voulons construire et à ce sujet l’entreprise est à mon avis un peu trop comme l’armée, une grande muette. Pour se développer, les entreprises ont besoin d’un climat général de confiance, d’un environnement de stabilité et de sécurité, tant sur les plans économiques que politiques et sociaux. Or aujourd’hui,beaucoup plus qu’hier, l’environnement général est marqué par l’incertitude croissante, par un climat de confiance en dents de scie, par une sécurité de plus en plus difficile à assurer et par des risques internationaux qui montent dans tous les domaines. Certes, les entrepreneurs sont habitués à gérer des risques, c’est dans leur ADN fondamental que de le faire.
Pour aller où ?
Mon propos n’est pas là, il est plutôt de se demander quel sens a l’aventure entrepreneuriale si elle se construit sur les ruines d’un monde en décomposition-recomposition, qui d’un côté produit de plus en plus d’exclus, de migrants-nomades en tous genres qui subissent la situation, et de l’autre des hyper nomades qui à l’inverse bénéficient à plein du système. Quel est le sens de l’aventure entrepreneuriale si pour remplir des objectifs de croissance, l’activité dont on est responsable, certes utile à court terme, est la cause objective de graves atteintes à l’environnement global et ce malgré quelques efforts RSE. A quel prix individuel et collectif, les citoyens que nous sommes tous, peuvent-ils chaque matin laisser leur conscience au vestiaire et contribuer comme si de rien n’était, aux objectifs de performance et de croissance de leur activité ? Peut-on dans un monde aussi perturbé faire notre « business as usual », comme certains le font pendant les conflits armés ? Nous connaissons les réponses habituelles à cette question : si ce n’est pas nous qui prenons tel ou tel marché, les concurrents le feront et puis l’entreprise n’a pas d’opinions politiques, (si elle n’a pas d’âme, elle dit parfois avoir une éthique), et de plus elle n’est pas une démocratie et donc ces débats ne la concernent pas.
Je ne suis pas certain que les générations qui vont hériter de cette situation seront satisfaites de ces réponses. Je suis même certain du contraire, tant les crises qui viennent seront lourdes en conséquences pour les personnes qui vivent ici et surtout ailleurs.
Agir out of the box
Les entrepreneurs ne peuvent pas se contenter de participer au débat public simplement en faisant pression sur les gouvernants pour que l’on supprime les entraves à la liberté de commercer, d’embaucher ou de licencier. Ils doivent prendre part au débat public en promouvant une autre vision de l’entreprise que celle passéiste d’un lieu de production et d’exploitation de ressources. L’entreprise si elle a un sens, est avant tout une communauté de vie, au service d’un projet collectif de vie. L’innovation dans un monde en pleine transformation ne peut pas se limiter au seul champ des produits et des services. L’innovation doit être globale, sociétale et consiste aussi à se poser la question de comment mon entreprise contribue au bien commun et de quelle façon elle promeut un modèle de société porteur d’espérance pour les générations à venir. Les intentions et partages d’expériences portées par les forums de l’économie positive, encore beaucoup trop rares, vont dans ce sens (1)
Un nouveau contrat sociétal
Les entrepreneurs pourraient utilement contribuer au débat de la société civile s’ils acceptaient de poser les termes d’un nouveau contrat social et écologique. Allant dans ce sens, et sans tomber dans des considérations de politique politicienne qu’il serait temps de dépasser, les proposions d’un Nicolas Hulot doivent interpeller les responsables d’entreprises d’aller plus loin qu’un simple soutien financier. Dans son manifeste « Osons, plaidoyer d'un homme libre » (2), il a notamment présenté 12 mesures politiques à adopter pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique et favoriser l'émergence d'une société durable, respectueuse des Hommes et de la Terre. Il s’agit de chantiers longs et complexes, mais qui croit encore à la farce politique qui nous laisse penser que nous allons réaliser les changements de paradigmes dont nous avons besoin sur la durée d’une échéance électorale ? Quand les entrepreneurs vont-ils vraiment prendre la parole sur ces sujets de société et surtout agir ? Il y a un besoin urgent de revenir à une vision de l’essentiel et à contribuer là où nous nous trouvons à faire émerger un monde qui parle d’autre chose que de chiffres de croissance à deux chiffres, de compétition entre les personnes, les entreprises et les nations, de burn-out, d’explosions d’humains et de destruction du tissu social et naturel. A quand les entrepreneurs citoyens qui inventent de nouveaux modèles du vivre ensemble ? Sur ce sujet, je conseille la lecture inspirante de l’ouvrage « Le syndrome du poisson lune » d’Emmanuel Druon(3) loin des modes managériales prouve que l’entreprise peut devenir un lieu de développement de la citoyenneté en lien avec une vision économique, sociale et écologique.
Si vous trouvez tout cela bien utopique ou pire… pas de problème, il s’agit de vœux de nouvelle année et de toute façon, il nous reste le « business as usual ».
(1) http://www.positiveeconomy.co/fr/le-rapport
(2) http://telechargerlivres.com/nicolas-hulot-osons-pdf
(3) http://www.actes-sud.fr/catalogue/societe/le-syndrome-du-poisson-lune
Ivan Maltcheff