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Eco génocide ou frugalité ?

Publié le 23-03-2016

Ecogénocide

Eco génocide ou frugalité ?

Energie

Le pire est possible
La catastrophe n’est pas certaine. Elle est probable. Les changements climatiques sont irréversibles. Rien ne sera plus comme avant (les chasseurs cueilleurs, la révolution industrielle….). Il n’y a plus de retour possible vers un âge d’or écologique (est-ce que cela a un sens ?)
Les effets retards des prédations et autres violences faites à la Terre, comme les boucles amplificatrices de ces effets, rendent impossible la prédiction. Bien sûr des esprits hyper rationnels peuvent penser que la technique peut réparer ce qu’elle a détruit. Ce sont souvent les mêmes que l’on qualifie de climato-sceptiques

Impuissance ou toute puissance
Le positivisme, la rationalité absolue, la puissance de la technique ont opéré en séparant l’Homme de la nature. L’Homme s’est pensé depuis la période des Lumières en dehors de la nature. Il l’a domestiqué pour mieux la maîtriser. De façon mécaniste. C’est cela aussi la Modernité. Nous sommes maintenant dans une époque post-moderne. La technologie nous échappe. Elle échappe à ses créateurs comme dans le drame faustien. Même si certains du côté de Google veulent penser un monde dans lequel la technologie pourrait rendre l’homme immortel

Sortir de la sidération
Face à ce constat terrible, que faire ? Mais si nous ne pouvons pas prédire nous pouvons prendre soin. Ou bien ne rien faire et attendre ? Non. Nous devons repenser notre théorie de l’action au moins de trois manières au moins

1. Repenser notre manière de penser. Nous avons gardé aussi les modes de pensée qui isolent les problèmes, les découpent plutôt que de les relier pour mesurer la force des boucles amplificatrices. Nous devons quitter une forme de pensée issue des approches rationnelles du XIX siècles. On doit apprendre dès l’école
a. A fonctionner dans le flou, le fixe l’imparfait, l’ambigu, l’incertain. Avec humilité, responsabilité et respect.
b. A penser global et complexe comme nous l’enseigne Edgar Morin depuis un demi-siècle

2. Repenser notre rapport à la nature. La nature n’est pas inerte. Elle est vivante. Elle rétroagit face aux prédations. « Philippe Descola, dans sa leçon inaugurale au collège de France ou dans son livre « Par delà nature et culture » Gallimard 2005 », décrit avec clarté cette nouvelle ère qu’est l’anthropocène c’est-à-dire celle qui marque les impacts négatifs de l’Homme sur la nature pris de façon globale et systémique (anthroposphère, biosphère, géosphère). Il dresse des pistes comme autant de nouvelles postures anthropologiques. Sujets de droit dans la perspective libérale du XIX siècle, l’homme devient mandataire d’un espace qu’il partage avec les non humains dotés de droits. Dans l’esprit des Communs nous devons repenser la notion de propriété dans une perspective d’usufruitiers dotés d’un droit d’usage contraint : nous partageons un milieu dont chacun doit être comptable. Mais sommes sous capables d’accepter
a. Notre responsabilité dans l’écocide
b. La perte de notre liberté et de notre toute puissance (la nature nous possède plus que nous ne la possédons)
c. De penser notre rapport d’interdépendance avec la nature

3. Repenser notre modèle économique. Et sans doute notre manière de mesurer la création de valeur (ou de richesse). Des facteurs comme la santé, la qualité de la démocratie, l’emploi, l’écologie, le sentiment de bonheur collectif doivent être pris en compte. Penser complexe c’est penser à la fois la création de valeur et son coût vis-à-vis des facteurs évoqués. Les formes économiques qui ont vu le jour se sont affranchies des données naturelles. L’exploitation pétrolière en Amazonie et bien d’autres exemples plus proches de nous (phosphates produits dérivés de l’agriculture intensive en Bretagne…) démontrent s’il en était besoin comment le capitalisme a assis sa puissance sans jamais payer les ressources et les dégâts collatéraux.
De nouveaux indicateurs se font jour qui intègrent ces points : le EROI (Energy Return on Investment) mesure l’énergie nette produite en intégrant les coûts énergétiques pour extraire, acheminer… l’énergie. Nous savons que les 3% de croissance des 30 glorieuses proviennent pour 2% de l’accroissement de la production de matières fossiles (Jean-Marc Jancovici). Cela questionne la place du capital et de la technologie dans l’augmentation de la croissance. Mais sommes-nous prêts à repenser le capitalisme dans ses fondements ? Quelques questions pour finir :
a. Qu’en est-il des rendements croissants ou décroissants de l’innovation ?
b. Comment compenser un EROI faible (courbe des ressources en matières fossiles s’infléchissant, difficulté d’extraction….) ?
c. Le numérique peut-il améliorer l’efficacité énergétique de l’économie (Data Center énergétivores….) ?
d. Pouvons-nous accepter une société à croissance économique douce ?

Crédit photo Shutterstock

Philippe Cruellas